16 Je jure de bientôt te casser les dents

"C'est bien, continue comme ça." 

Les mots sortent alors que la longue et serpentante forme de sable à mes pieds commence à prendre forme, voire à prendre vie. Les différents morceaux et poussières se rassemblant de nouveau malgré leur apparente incapacité à se lier pour plus de quelques millièmes de seconde, faisant paraitre la forme comme si deux mains les pétrissaient inlassablement, les forçant à rester ensemble malgré cette naturelle et naturellement très agaçante loi que l'on appelle la gravité. Un tas de sable semblant piégé dans la main puissante d'un artiste refusant de se soumettre à cette loi débilitante.

"Ce qui est un peu le cas." Je pense en levant mes yeux de ma petite création pour jeter un œil distrait derrière moi, entendant les lourds pas venir de pas si loin de là, bien qu'étant toujours en dehors de la caverne, me laissant dans l'inconnu quant à qui se ramène ici.

Bien qu'au vu du poids, si j'en crois les bruits de pas dignes de Godzilla, ainsi que les parois de la grotte tremblant et de plus en plus fort à mesure que la personne se rapproche, presque comme une forme de vie tremblant sous la puissance dégagée par l'intrus, je pense pouvoir affirmer grâce à mes incroyables talents de détectives qu'il s'agit de l'un de mes frères. 

Quoique... 

J'ai rencontré jadis une femme dans un Wallmart, elle faisant trembler les étagères à chacun de ses pas et à tel point que certains produits en tombaient par terre. 

Mais bon, vu qu'à priori les Etats-Unis n'existent pas dans cet univers, les chances sont astronomiquement petites pour qu'un tel être puisse exister ici-bas.

Mais bon, cela doit être Matatabi revenant pour me raconter les infinies merveilles du tas de merde montagneux qu'est l'endroit éloigné dont elle est folle depuis qu'elle l'a découvert il y a quelques temps, à part elle qui pourrait venir me voir ? Pas que mon chakra soit disposé en ce moment pour vérifier l'identité de mon intrus de taille imposante, de toute manière c'est du tout cuit, cela ne peut-être que ce chaton colérique.

Je n'ai jamais eu cette affinité qu'elle possède envers les montagnes et autres endroits en hauteur, trop éloigné de tout et trop imposant à mon gout. De plus je ne sais pas si je saurais vivre dans un endroit où je vois le vide devant moi en me levant tous les matins, pas très pratique non plus.

Je préfèrerai toujours mes belles et malléables déserts, ces milliers de dunes cachant peut-être une oasis derrière chacune d'entre elles, c'est écosystème semblant si mort et pourtant si vivant, ce paradis de force mais surtout de ruse, où celui qui gagne n'est pour une fois pas le plus gros, mais celui qui réfléchit le plus et qui tire le mieux parti de ce tombeau et maison à prédateur. Le lieu de l'ultime preuve de son survivalisme jamais assez efficace, un paradis d'une telle magnificence que seul le plus apte et le plus malin peut se permettre d'y mettre pied et de pouvoir contempler sa magnificence, sa beauté brute et mortelle. Un endroit qui te prend tout sans jamais te le redonner, mais qui lorsqu'il te donne, le fait avec la plus grande générosité. Toujours subtile et cruelle dans sa nocivité, mais toujours fascinant, beau et incroyablement poétique dans sa vitalité. Une virtuosité et de mort et de vie dans leurs états les plus bruts et pourtant les plus sophistiqués.

Ce n'est pas tes montagnes de vieux chat qui grimpe le plus haut possible à la première frayeur qui peuvent rivaliser. 

"Mais reprenons-nous." Je retourne à mon principal intérêt alors que celui-ci se décide finalement à prendre forme, cela n'aura pris que quelques heures. Alors que ce qui ne pourrait au mieux être comparé qu'à un pantin animalier se forme dans un mélange parfait de sable, toute autre matière impure comme la roche, la poussière ou les milliers de petits minerais étant finalement tous rejetté de ce corps, celui-ci se rassemblant enfin pour créer sous mes yeux un étrange animal, au croisement entre un scorpion, un mille-pattes et un cobra, une magnifique créature, faucheur et symbole d'un but mortel, invisible jusqu'à ce qu'il frappe.

En espérant que son venin à lui aussi puisse tuer un éléphant, si les éléphants existent dans ce monde.

Je laisse échapper un léger bruit de joie lorsque je sens mon chakra prendre finalement forme à l'intérieur de ce simulacre d'être vivant, près à réellement le devenir, les différents composants d'énergie soigneusement assimilé s'assemblant avec mon pouvoir, fusionnant à l'intérieur de cette créature pour lui offrir la seule chose qui lui manque en ce monde, un cœur.

Et non pas un faible cœur de chair et de sang, près à dépérir dès ces petites années écoulée, demeurant au mieux vieux pour des standards humains, mais toujours incroyablement faible et bref. Ni même un cœur de métal, qui s'il sont possible ne donneraient simplement que des êtres y correspondant tant dans le soit que dans la forme, de simples machines sans volonté ni libre arbitre ni possibilité de créativité et d'innovation propre. Non, un véritable cœur, un cœur de chakra et d'énergie spirituelle, une fusion de l'éternité, de la force et de l'intellect propre à son état le plus pur. Une merveille de la création près à illuminer le monde sa présence.

Je me laisse fredonner un air des plus excitants et terriblement inadéquat pour tout homme recherchant la maitrise de soi, alors que je peux sentir l'énergie se solidifier, se crée dans une nouvelle forme encore jamais atteinte. 

Il est vivant, vivant. Pour citer une personne très connue, en espérant que ma fin soit légèrement plus optimise, mais qu'importe, je l'ai fait. 

Mon cœur s'emplit d'une joie sans pareille dans toute mon existence alors que je vois la créature bouger fébrilement la tête, regardant autour d'elle avec les yeux d'un nouveau-né, métaphoriques bien sûr, étant fait de sable, je ne sais même pas si cela peut voir. Avant de se tourner vers moi, baissant la tête sur le côté dans un air de confusion immense, comme si surpris qu'une autre forme d'existence puisse être dans ce monde. 

Je baisse ma main sur le sol et la retourne dans un geste d'apaisement, invitant la minuscule créature à se loger dans ma paume. Voyant avec admiration sa capacité incroyable de compréhension malgré ses jeunes années, se déplaçant vers moi avec une précipitation sans pareille.

Avant que nous ne s'écroule, rêves et corps compris. La petite créature perdant d'abord quelques bouts de son bas. 

Pour qu'ensuite la décadence ne semble se propager partout, pattes, têtes et corps entier ne semblant vouloir ne rien avoir affaire ensemble, se séparant en plusieurs morceaux qui eux-mêmes se divisent dans un océan de sable pur se répandant sur le sol. Ne laissant rien si ce n'est la douloureuse vérité. 

Et merde, encore raté. 

Je note, penser à trouver un moyen de s'assurer de la stabilité et de l'étanchéité du noyau avant de tenter le prototype numéro 29.

"Je ne comprends vraiment pas pourquoi tu t'acharne à ce point."

Une voix grave résonnant dans toute la pièce me chasse de mes pensées, me faisant finalement porter attention à mon incroyable invité, si le sarcasme peut être compris par quiconque est assez puissant et idiot pour lire mes pensées. 

"Si c'est à propos de ce piège/sceau à base de poussière, de feu, et de sables mouvants se trouvant à l'entrée de notre grotte et t'étant spécifiquement destiné, je suis pratiquement et très fortement certain que Matatabi a récemment appris la maitrise du sable et que je ne suis en aucun cas impliqué dans le triste évènement qui a causé cette blague de très mauvais gout." 

Je ne peux que consacrer une partie de mon chakra renouvelé à manipuler les minéraux composant le mur derrière moi dans l'espoir de l'éroder et de faciliter sa destruction lors de mon évasion, tandis que je continue la discussion.

"Mais je ne veux pas t'ennuyer avec des spéculations purement paranoïaques et infondées." Je continue avec un demi-sourire, faisant comme si de rien n'était. "Qu'est-ce qui t'amène en ces lieux terriblement indigne de votre personne ? Mon cher frère adoré ?" 

"Epargne-moi ton charabia habituel." Kurama coupe de son ton sec et arrogant, pour changer. 

"Tu sais très bien que ce genre de piège grossier ne peut marcher avec moi, les neuf queues, le plus puissant des biju, petit frère idiot."

"Techniquement, c'est plutôt moi le grand frère, étant donné que je me suis rev..."

"Mais c'est moi le plus puissant de tous !!!" Mon renard de frère rugit dans une de ses nombreuses et fameuses colères, faisant trembler les murs de la grotte, certains morceaux se détachant même du plafond pour nous atterrir sur le crâne, pas que cela soit particulièrement gênant pour des personnes de notre proportion. 

"Je jure qu'un jour, les gens commenceront à compter les bijuu à partir de Matatabi." Mon bipolaire de frère se met à quatre pattes, dans une position rappelant étonnamment celle d'un prédateur se cambrant, prêt à bondir sur sa proie, vision qui ne m'enjaille guère.

"Car ce que j'aurais laissé de toi ne sera même plus suffisant pour même arriver à la cheville de ce gros chat stupide." 

"Arriver à la cheville de Matatabi ?" Je me demande avec un air amusé

"Et cela équivaudrait à quoi comparé à ton auguste grande, o majestueux personnage ?" Je poursuis avec une révérence tellement exagérée que même cette masse stupide de poils et de haine peut comprendre l'ironie qui en découle.

Le renard avec des problèmes d'ego renifle sans ménagement

"Pff, tu ne m'arrive même pas au petit orteil aujourd'hui... tu ne serais rien comparé à moi, à peine aussi gênant qu'un caillou sur ma route."

"Est-ce donc cela ?" Je demande tout en me redressant de toute ma hauteur, piqué par l'invitation terriblement peu subtile. 

"Peut-être devrions-nous vérifier cette révélation inattendue ? Après tout, tout bon homme de raison teste la pratique plutôt que de se contenter de la théorie." Je dis dans un presque murmure, sentant mon chakra revenir petit à petit. Amassant discrètement quelques petites tonnes de sable se trouvant par un heureux hasard amassé autour de cette grotte, prêt à êtres utilisés. 

Après tout, la préparation est, avec le travail acharné et la suprématie de l'intellect, le pire ennemi de l'échec

Kurama renifle de nouveau avec dédain, l'arrogance suintant ses paroles. 

"Je suis celui à neuf queues, le plus puissant des biju ! Tu penses vraiment avoir la moindre chance, Ichibi ?"

Oh non pas encore cette obsession avec le nombre. 

Le pauvre enfant doit vraiment manquer d'attention.

Et ce surnom que les humains m'ont affublé, "Ichibi", je ne sais pas si je dois l'apprécier, ou rire devant son manque évident de complexité. 

Au moins ils ne m'appellent pas raton laveur.

"Tu es vraiment encore coincé sur ça ? Cela fait, en toute fraternité et amitié et avec meme une pointe de gentillesse... quelque peu pitié, je trouve." Je réponds rapidement, cachant moyennement bien mon sel. 

Mon frère et moi nous regardons dans le blanc des yeux durant quelques secondes avant que la grotte ne tremble de nouveau, cette fois sous un rire. 

Un mélange entre un reniflement de mépris, une colère assourdissante et un rire franc, bref, typique de mon frangin. Une bonne moitié du plafond semblant à quelques secondes de s'effondrer sous ce rire me faisant presque mal aux oreilles. Quel coffre...

"Vraiment mon petit idiot de frère." Dit Kurama une fois fini, reprenant son humeur passive-agressive habituelle. 

"De toute la fratrie, tu es le plus amusant."

Oh, je parie que tu le pense avec sincérité, tâche d'en profiter. 

"Je te réglerais ton compte et m'assurerais que plus jamais tu ne l'ouvre avec tant d'impudence, un jour."

Oui un jour, bien que j'entende déjà le mais que tu es sur le point de prononcer

"Mais tu as autre chose à faire, j'ai des nouvelles de père, Indra est revenu..."

Tiens donc ? 

Et moi qui avec finis par penser qu'il était mort depuis le temps. Je suis presque déçu.

Presque.

...

Au fait, où est l'autre ?

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