1 Prologue: Enter Scisame

La nuit tomba et ses ténèbres furent écartées par un faible feu de camp. Le voile de la nuit brisé, la vermine avait installé leur hutte sur le bord sableux de la mer. Des bandits, scélérats ou peu importe l'étiquette que l'on veut leur attribuer, les assaillants de Marylin fêtaient leur « récolte » à goulées de rhum et de whisky sous la douce mélodie des vagues.

Par peur de se faire scotchée la bouche comme sa copine, elle ne put dire un mot. Ses bras et jambes ligotées, serrées à lui nuire la circulation sanguine, elle ne put bouger. A part tourner la tête et voir le visage pétrifié de son amie Louise, tout aussi immobilisée qu'elle, ses options se limitaient au néant.

Elle ne put qu'observer, torturer ses yeux qui recherchaient sans cesse une solution à l'intérieur de cette hutte, quelque chose qui pourrait les libérer, qui pourrait faire cesser ce cauchemar. En vain, il semblait que pour les deux copines le monde cessa de tourner, et seules la mer et les flammes manifestaient une quelconque forme de mouvement. Ces flammes dans lesquelles se perdait le regard de Marylin, ces flammes dans lesquelles elle souhaitait se jeter, dansaient comme pour égayer la scène lugubre.

Bruler, finir en cendres, serait certainement mieux, ou du moins plus sain, que ce qu'auraient en réserve les trois hommes qui l'avaient prit en otage. Elle fixa la mer, plongea son regard dans ces vagues par lesquelles elle aurait souhaité se faire emportée. Une vue qu'elle appréciait tant il y a quelques heures, mais tout paraît plus morbide quand il s'agit de la dernière chose que l'on pense voir.

Elle leva la tête, dépourvue de toute option, et pria. Elle pria, ferma les yeux, et re-pria, appelant quelqu'un ou quoi que ce soit du fond de son esprit. Une seule et unique phrase résonna dans ses pensées : « Je ne veux pas mourir ».

Un des hommes entra dans la hutte, muni d'une machette qu'il baladait à droite et à gauche comme un gamin s'amusant avec un simple baton. Il s'approcha de sa proie, jeune blonde, plutôt jolie bien que la terreur se lisait sur son visage. Ses yeux brillaient moins suite aux drogues que son corps a été forcé de subir, ses joues marquées des larmes séchées.

Sa vision encore quelque peu alourdi par les stupéfiants, elle ne put bien discerner les traits de son assaillant. Un homme à la carrure tout à fait ordinaire, dont les cheveux longs et la barbe semblaient s'emmêler. Marylin le fixa, comme si elle le poignardait de son simple regard, alors que l'homme s'approcha et s'accroupit pour être à sa hauteur, puant l'alcool.

- Alors bébé, c'est quand que je te fais monter aux étoiles ? dit-il en posant sa main sur sa joue, la caressant jusqu'à ce que celle-ci le vire d'un coup de crâne.

Elle ne répondit pas, mais se contenta de lui cracher entre les yeux. Il recula sa face, hésitant, puis s'essuya et retenta son approche.

- Heh, t'as du caractère…J'aime ça, mais joue pas trop avec moi ma p'tite, tu risques de te faire mal… murmura-t-il en lui frôlant la joue avec sa lame

Dehors, deux sbires partageaient les fantasmes qu'ils souhaitaient réaliser ce soir. Une bouteille à la main, le premier se leva et s'en alla près de la mer pour pisser. Le deuxième jouait avec son couteau pendant ce temps, en contemplant la beauté des flammes qui réchauffaient leur camp. Seuls les bruits de la mer envahissaient leur environnement, laissant régner un calme parfait. La sérénité maritime se fit doucement inondée par une mélodie angoissante.

La chanson semblait sortir de nulle part. Alors que l'homme regarda autour de lui cherchant son origine, il appela son camarade sur le retour de sa vidange. Mais avant de pouvoir exprimer le moindre bruit il senti comme toute son énergie le quitter soudainement. Une sensation glaciale l'envahit, le paralysant. Seuls ses yeux purent se déplacer, le regard fuyant, s'affaiblissant, jusqu'à voir une pointe écarlate sortir de sa gorge. Une lame s'y était logé et pendant que son sang coulait, sa conscience le quittait.

Apparu comme une ombre, l'assassin retira sa dague et d'un mouvement de rotation propulsa le cadavre de côté. En continuant son mouvement il lança d'un coup sec son arme en direction du deuxième bandit. Envahi par cette rapidité d'exécution, le sbire ne put que rester figé. La dague se logea entre ses yeux d'une facilité presque naturelle, lui infligeant le même sort que son camarade.

Le dernier du groupe d'agresseurs, toujours dans la hutte, vit la scène se dérouler devant lui, ses deux camarades abattus par un seul inconnu. Terrifié, il se mit derrière son otage, collant sa machette au cou de Marylin et menaça le nouvel arrivé de tuer la jeune fille s'il osait bouger d'un poil. Celle ci, sentant le tranchant du métal au contact de sa peau, se dit que son moment était enfin venu. Elle ne comprit pas qui était ce mystérieux tueur, mais ne se senti nullement en sécurité. Elle se senti plutôt au milieu de deux forces, toutes deux capables de mettre fin à sa vie. Tremblante, des larmes sortirent de ses yeux bleus qu'elle ne put fermer. Pour des raisons qui lui étaient inconnues son corps semblaient hurler à la fuite.

L'assassin quant à lui semblait ignorer complètement les paroles qui lui étaient adressées. Il récupéra sa lame du crane de sa victime et se mit à jongler, la faisant tourbillonner dans les airs. Proche du feu son apparence était dévoilée, révélant un jeune homme aux yeux noirs comme le néant. Des cheveux, visiblement teints noirs, assez longs pour quelques mèches empiètent sur ses yeux perçants.

Devant l'entrée de la hutte, il arrêta la musique venant d'un petit mp3 accroché a sa hanche. Son débardeur gris était couvert de taches de sang, il fixait sa dernière proie tel un prédateur et, d'un ton assuré, presque arrogant, il dit « Je vais être honnête avec toi, cette dague sera dans ton front avant même que tu n'envisages de bouger le moindre muscle. ».

Le bandit, commençant lui aussi à trembler, ne sut répondre. Sans savoir pourquoi, ni comment, ces paroles lui parurent plus que réelles, ressentant comme un danger imminent.

- Oh que c'est mignon, t'as peur mon garçon ? Écoute, je vais te faire une petite proposition… Sors de là et on va se faire un petit face à face traditionnel hein ? T'en penses quoi ?

Dans sa voix on pouvait percevoir presque de la joie, de l'extase. Peu importe qui cette personne était, il s'amusait, tel un enfant dans un manège, et paraissait prendre un plaisir diabolique à instaurer la terreur. Son adversaire, le visage trempé de sueur, en restait pétrifié.

Quelque chose dans son regard, dans son sourire envoûtant et sa façon de passer sa main dans ses cheveux lorsqu'il parlait démontrait un plaisir jouissif. Tel un marionnettiste il se jouait de ses ennemis, les malmenant à sa guise jusqu'à leur point de rupture. Le pure sang-froid avec lequel il éliminait ses cibles et l'esprit enfantin dont il faisait preuve après exécution prouvait qu'il était démoniaque... inhumain.

Le chef des bandits ne prononça pas un mot maintenant sa position. Marylin quant à elle se demandait si le silence ambiant allait se rompre avant sa peau face à l'acier.

- Allez, tu sais quoi, je te donne 5 secondes d'avance. Dans le pire des cas t'auras largement le temps de t'enfuir c'est un bon prix, c'est mieux que ce que tes copains ont eu. Promis juré !

Encore et toujours ce sourire, tel un pari avec le diable la situation le narguait. Face à la seule sortie, c'était tentant. 5 secondes devraient être largement suffisants. Naïf, mais surtout terrifié, il se dit que de toutes façons cet homme l'aurait surement tué. Il n'était visiblement pas venu pour les filles, et semblait lui proposer comme une porte de sortie, bien que douteuse.

Prenant son courage à deux mains, il écarta sa lame de la jeune fille, se leva, et se dirigea doucement vers la sortie.

A présent l'un face à l'autre, le brigand n'avait plus qu'une chose à faire avant de pouvoir s'enfuir.

- Quoi personne ne t'a appris les règles de la politesse ? Je me présente, on m'appelle la 6ème Lame, Scisame des Douze Lames, enchanté de faire ta connaissance mon cher… se présenta Scisame en s'inclinant.

Il avait une posture particulière, qui mettait presque mal à l'aise, lorsqu'il se présentait. Les jambes croisées et le visage penché, il fixa son prochain. Son expression induisant le mal-être, sa langue ne put s'empêcher de sortir sa tête, léchant le bout de ses lèvres comme un lion avant son repas. Et puis ce sourire, ce satané sourire scotché à son visage, narguant. Son adversaire ne répondit pas à sa présentation, il se contenta de rester vigilant.

- Très bien, que les jeux commencent alors… 1…

Le compte à rebours avait débuté et le bandit avant déjà entamé sa lancée. Il se rua sur son adversaire l'arme au poing, exprimant son envie meurtrière .

- 2…

Scisame bondit en une fraction de seconde, saisissant sa proie par derrière. Après lui avoir enfoncé la dague dans son cou, le tueur approcha sa tête de l'oreille de sa victime et murmura « Mon pauvre garçon, le temps passe différemment en enfer ».

- Oh mon dieu, balbutia Marylin, étouffée par ses sanglots.

A cela, Scisame se tourna vers la jeune fille et d'un signe de la main dit « Shhht… Tu l'entends ?... ». Il porta son regard vers le ciel un moment, attentif, puis le baissa et rajouta « Moi non plus. ». Il s'approcha alors des deux filles, Marylin et sa copine évanouie depuis un moment, alors que celle ci s'exclama:

- Non ! Non je t'en prie, qu'est-ce que… t'es qu'un monstre, t'approches pas de moi !

- Hahaha, mais non ma chérie. Je ne suis qu'un message.

Il s'approcha doucement. Chaque pas résonnait dans la tête de Marylin comme synchronisés avec les battements de son cœur, seule face à ce démon. Il s'accroupit, porta la pointe de sa dague au contact de la gorge de la pauvre demoiselle, et dit « Un simple rappel que la sanité d'esprit n'est qu'une cage, et que la folie en est sa libération ».

Il se leva et en se dirigeant vers la sortie il éteint le feu, laissant les deux filles comme il les avait retrouvé. Scisame disparut dans la nuit, faisant résonner son ricanement machiavélique. Il aura marqué sa présence.

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