1 Chapitre 1 : Le Contrat de l'Ombre

Je suis Arol, et je devrais débuter mon récit en vous disant que j'ai trouvé la mort à l'âge tendre de huit ans. Enfin, la vérité est que l'enfant que j'étais a péri dans une tourmente d'horreur, victime d'un événement tragique qui a changé le cours de ma vie. C'était un jour funeste qui a vu mon humble village de Cesac englouti par les flammes infernales, un jour où des démons, tels des spectres assoiffés de carnage, ont déferlé sur nous.

C'était chez moi, à Cesac, dans le royaume de Sillak au pays de Mughorn. Mon petit bourg, là où mes rires résonnaient dans les ruelles pavées, où ma mère concoctait les meilleurs gâteaux, était jadis un havre de paix. Les maisons aux toits de chaume bordaient les rues étroites, animées par les marchands déployant leurs étals colorés au marché. Nous courrions joyeusement, les rires des enfants emplissant l'air de gaieté.

Mais le bonheur laissa rapidement place à l'effroi lorsque les démons descendirent sur nous. Ces créatures infernales ont dévoré notre joie, plongeant Cesac dans une nuit cauchemardesque. Les rues devinrent des champs de bataille où héros et démons se livrèrent à une danse macabre. Les hurlements de l'agonie se mêlèrent aux rugissements démoniaques, transformant notre village en un cauchemar éveillé.

Les rivières, autrefois paisibles, furent teintées de rouge, le sang des habitants se mêlant aux eaux qui serpentent dans notre bourg. Les flammes dévastatrices noircirent le sol que nous foulions avec insouciance, effaçant tout sur leur passage. Mon chez-moi, autrefois empli de sourires chaleureux et de moments partagés, fut réduit en cendres.

C'était dans ce spectacle apocalyptique que je le vis, l'être énigmatique qui allait bouleverser le cours de ma destinée. À travers la fumée épaisse, une silhouette sombre se dessina lentement, comme une ombre vivante. Les contours de cette entité semblaient taillés dans l'obscurité, une présence sinistre en constant contre-jour. Sa stature dépassait celle des adultes de mon village, une ombre menaçante qui inspirait la terreur.

Ses yeux d'un violet profond luisaient comme des améthystes éthérées dans l'obscurité, émettant une lueur hypnotique et inhumaine qui semblait scruter les recoins les plus pures de mon âme d'enfant. Un sourire carnassier déchira son visage obscur, révélant des dents acérées qui semblaient illuminer la nuit. C'était le sourire d'un prédateur, la terreur incarnée murmurée aux enfants désobéissants dans les contes effrayants. Son regard inquisiteur et son sourire démoniaque hantaient mes pensées, créant une image gravée dans ma mémoire d'enfant, une image associée à la terreur de cette nuit funeste.

Il se pencha au-dessus de mon corps frêle, son ombre imposante projetée sur le sol par la lueur vacillante des flammes mourantes. La terreur m'immobilisa, clouant mes membres dans une paralysie glaciale. Je n'osais pas bouger, ne serait-ce qu'un muscle, en présence de cette entité dont la noirceur défiait toute compréhension.

Le murmure de l'ombre, devenu mon guide invisible, me poussait à travers les ruelles dévastées de Cesac. Mes yeux, embués par la peur, suivaient l'ombre ténébreuse qui se mouvait silencieusement devant moi. Les restes calcinés de ma vie d'avant, les débris des maisons jadis accueillantes, tout était devenu un labyrinthe désolé sous le regard inquisiteur de la créature.

Le chemin me mena finalement à la taverne, un repaire sombre dont la façade délabrée me faisait craindre le pire. Mon guide me poussa à l'intérieur, et le grincement des portes rouillées sembla résonner comme un écho funèbre. L'obscurité à l'intérieur semblait éternelle, seulement rompue par la lueur des chandelles qui s'allumait à son passage.

Dans ce refuge précaire, le seul endroit où le toit avait tenu bon, je restais prostré. La créature ne s'aventurait pas à l'extérieur, mais son regard perçant me suivait partout. La simple tentative de fuir fut réprimée par un simple regard, me forçant à m'asseoir, résigné à ma captivité.

C'était dans ce coin obscur, où la terreur avait forgé une prison invisible, que la créature déployait ses desseins impénétrables. Elle grattait le papier sans relâche, inscrivant des règles insondables sur une sorte de bible macabre. Le grattement incessant de la plume était devenu une symphonie lugubre, une cacophonie sinistre qui résonnait dans l'obscurité oppressante.

Je vivais dans un coin de la taverne où le cellier était enfermé. C'était ici que je trouvais ma nourriture et ma boisson, les maigres provisions que la créature avait bien voulu me laisser. Mes besoins élémentaires étaient satisfaits, mais chaque mouvement était empreint de la peur d'attirer l'attention indésirable de mon geôlier.

La créature écrivait frénétiquement, son sourire grandissant chaque jour et chaque nuit. La plume ne connaissait pas de répit, comme si elle était mue par une force surnaturelle insatiable. Le bruit du grattement du papier emplissait l'air, saturant mes sens d'une tension palpable. Les jours s'étiraient dans une monotonie cauchemardesque, le temps se diluant dans les ténèbres de cette captivité indéfinie.

Une semaine.

Puis, une fois prêt, il lança un sortilège proscrit.

Le sort scella mon esprit dans une quête, une quête façonnée par les cendres de mon village détruit. Je devais devenir le héros destiné à mettre fin à son existence, à cet être qui avait englouti Cesac dans un tourbillon de chaos. Pour lui, le massacre des héros, sa victoire totale était de trop, il lui était nécessaire de trouver un adversaire à sa hauteur. Il voulait perdre, mais d'une manière spécifique, dans un duel singulier contre le héros qu'il allait forger.

Le jour où le sortilège fut jeté, le ciel lui-même sembla hurler en protestation. Les cieux grondèrent comme si la magie elle-même interdisait un acte aussi sombre. Ignorant le hurlement de la déesse, l'être sinistre apposa la marque sur moi, scellant mon destin dans un pacte magique. La bible, remplie de règles insondables, fut consumée par les flammes pour devenir le sceau qui ornait désormais mon cœur. La main effilée de la créature toucha ma poitrine, et je sentis sa froideur pénétrer jusqu'à mon âme. La terreur m'étreignit, provoquant involontairement une réaction que je n'aurais jamais imaginée à cet âge. Je me pissais dessus. Puis, dans un éclat mystérieux, l'être disparut, laissant derrière lui le silence oppressant.

Son dernier murmure résonna dans mes pensées. "Cinquante ans." C'était le temps qu'il m'accordait pour émerger des ténèbres et le confronter. Cinquante ans avant que la traque ne commence, avant que la confrontation inévitable n'ait lieu.

Quand l'être disparut, tous les démons qui avaient assailli Cesac s'évaporèrent avec lui, comme s'ils n'avaient jamais existé. La quiétude s'installa dans le village dévasté, mais elle était teintée du lourd fardeau qui pesait désormais sur mes épaules. Mon voyage commençait, un chemin parsemé d'ombres et d'épreuves, avec la promesse d'une confrontation ultime dans les ténèbres.

avataravatar
Next chapter